La derby saddle.
S’il y a bien une chaussure qui aura marqué mon évolution stylistique, et mon gout pour les modes passées, c’est la derby saddle originale. Mais si, vous savez, cette petite chaussure qu’on retrouve dans la majorité des boutiques « rétro » attachée contre son gré aux années 50, ou aux films de claquettes.
Angleterre, 1900. Sur le green d’un terrain de golf, ou dans les étriers d’un cheval de course, la derby fait sa grande apparition dans le milieu du sport. Plus pratique que les bottes, plus confortable que les Richelieu, son système de lacets ainsi que son cuir souple lui permet de s’adapter à tous les pieds. Adoptée en un rien de temps par les hommes, elle ne tardera pas à apparaître aux pieds des femmes dès les années 20, grâce à son allure masculine et sportive, très en vogue à l’époque. C’est ainsi que l’on retrouvera rapidement nos derbys dans les gymnases, accordées à des tricots et autres jupes culottes…
L’acteur Robert Brister, circa 1925


La période de grande dépression lui insufflera (à son insu) un vent nouveau; On réutilise les diverses chutes des usines textiles, dédiées aux équipements de l’armée de l’époque, ce qui permet de réduire le coût de la chaussure.
Au revoir la classique combinaison noire et blanche et bonjour aux associations de bruns, à la toile bleue ou grise, récupérée de surplus militaires.
La dépression s’atténue, les usines reprennent de l’activité et la production de derbys en cuir aussi ! On voit naitre durant les années 40 de nouvelles variantes, plus extravagantes, des talons cubains sont même ajoutés à certains modèles, désolidarisant totalement la petite chaussure de ses origines sportives.
extrait du catalogue Sears, 1934

Mais ce sont les années 50 qui offriront à la derby saddle, ses plus belles heures !
Intégrée aux uniformes dans les lycées américains, elle devient la chaussure par excellence de la mode adolescente. En dehors des établissements scolaires, les jeunes filles l’ associent aux fameuses « Poodle-Dress » (ndlr les Jupes Caniches) et les garçons l’ intègrent à la célèbre combinaison jean bleu/tee-shirt blanc. Mais attention ! Si vous portiez des derby saddle, vos chaussettes se devaient d’être bien blanches et roulées avec précision. Véritable élément décoratif, elles sont repliées en une fois, de manière à tomber sur la cheville et parfaitement symétriques; on les appelle les chaussettes Bobby. Cet accessoire donnera même son nom à cette génération d’ado-dandy, les Bobby Soxer.


Véritable icône des années 50, la derby est partout, dans toutes matières et couleurs. En cuir vernis, en toile bariolée, en rose, en vert, bicolores, tricolores, unies ! C’est peut être l’overdose qui, dans les années 60, l’emportera alors dans les méandres de la mode.

Trop portée et pas assez rebelle pour la jeunesse de Mai 68.
La gloire de la derby prend alors fin, laissant derrière elle, quelques clichés,
au gout de déguisement d’Elvis raté et de cheveux gominés.
clara riff